Le conservatisme connaît depuis quelques années une vogue croissante, notamment dans certains milieux intellectuels, au point que le terme « conservateur » semble sortir peu à peu des oubliettes de l’histoire et de la politique où, en France, il avait été confiné depuis plus d’un siècle. Pourtant, telle n’est pas la seule raison, ni même la plus pressante, pour laquelle la droite aurait intérêt à se réapproprier ce mot, et ce qui l’accompagne. La raison principale, c’est qu’elle n’a pas le choix, du moins si elle ambitionne d’être autre chose que l’éternelle opposition d’un macronisme installé durablement au centre d’une démocratie sans alternance.
I. Renverser la dichotomie
Si la droite n’a pas le choix, c’est d’abord parce que le président Macron a installé par ses discours, en lieu et place du traditionnel clivage droite-gauche, une dichotomie progressiste-conservateur : lui-même s’appropriant bien évidemment le terme progressiste, supposé très valorisant ( en ce qu’il renvoie aux thèmes de l’ouverture, de la justice, du mouvement, de la compassion, de la mondialisation, etc.), et désignant l’adversaire (c’est-à-dire, essentiellement, la droite), par le terme actuellement encore très péjoratif de conservateur. C’est dans cette guerre des mots imposée par Macron qu’il importe de s’engager, et de s’organiser, afin d’espérer la remporter. Or, à cet égard, il existe des voies sans issues, mais une seule solution praticable.
A. Des voies sans issues
La première des impasses consisterait à refuser cette dichotomie, et ce,
-soit en niant son existence : ce qui laisserait entendre que l’on refuse de s’opposer clairement et fermement au parti dominant, bref, que l’on n’assume même pas le rôle d’une opposition véritable, et que l’on envisage pas de le remplacer : position très difficilement tenable face à l’opinion dès lors que l’on prétend être autre chose qu’un simple groupe supplétif de la majorité, à l’instar des soi-disant « constructifs »
-soit en essayant de la remplacer par une autre : mais laquelle ? – dès lors que les oppositions classiques, droite/gauche, libéralisme/socialisme, souverainisme/fédéralisme, semblent très largement remises en cause par la situation politique actuelle. Et il est encore plus hasardeux de croire que l’on pourra imposer, à la place, des mots nouveaux, surtout lorsque c’est l’adversaire qui se trouve être le maître des horloges, et des porte-voix.
La seconde impasse consisterait à contester le contenu de la dichotomie, c’est-à-dire, le fait que le progressisme corresponde au macronisme, et le conservatisme, à la droite. Ici, les difficultés sont d’un autre ordre. Elle vient d’abord du fait que Emmanuel Macron et La République En Marche se sont « positionnés » les premiers sur le « créneau » du progressisme : leur contester cette place risquerait fort d’apparaître comme la réplique désespérée du mauvais joueur, voire du mauvais perdant, sûr de ne convaincre personne.
D’autant que, sur le fond, le macronisme relève objectivement beaucoup plus de l’idéologie et de la philosophie progressiste, que la droite. Tandis que, de son côté, cette dernière se rattache indiscutablement à la tradition conservatrice : ce que, le cas échéant, les macronistes n’auraient d’ailleurs aucune peine à démontrer, si d’aventure la droite prétendait occuper à leur place le créneau tant convoité du progressisme.
Enfin, autant il paraît aisé de se déclarer ceci ou cela – progressiste ou conservateur-, autant il semble délicat (et peut-être contre-productif, au regard de l’opinion publique), d’essayer de démontrer que l’on n’est pas – ce que les autres ont dit que l’on était-, et/ou que ce sont eux qui le sont : en particulier lorsque les mots recouvrent des concepts et des courants aussi complexes et (relativement) incertains que le progressisme et le conservatisme.
B. La seule voie plausible
Ne pouvant donc échapper à la dichotomie imposée par le discours du président Macron, ni en contester le contenu en démontrant que les conservateurs, ce sont les autres, la droite ne saurait faire comme si de rien n’était. Sans quoi, elle serait assurée de voir utiliser contre elle, lors des prochaines échéances électorales, le mot conservateur, lui-même doté d’une charge péjorative considérable. En refusant de mener la guerre des mots, elle serait vaincue par avance, tout en laissant à ses adversaires un avantage considérable.
La seule solution consiste ainsi, tout en acceptant la dichotomie imposée par l’adversaire, à en inverser la signification : c’est-à-dire, à s’emparer du mot « conservateur » pour le valoriser ; et en parallèle, à développer une critique puissante de ce que recouvre le terme « progressiste » – et donc, par là-même, à s’attaquer aux fondations idéologiques du macronisme.
Chacun se souvient de la célèbre scène de l’Affaire Tournesol où le capitaine Haddock tente désespérément de se débarrasser d’un sparadrap qui, quoi qu’il fasse, revient se coller à lui. Dans la situation politique actuelle, le mot conservateur semble destiné à coller, inévitablement, à la droite. Toute la question est donc de savoir si elle se contentera, à l’instar du Capitaine, de se tortiller en vain pour essayer de le décoller – laissant entendre au passage qu’il s’agit effectivement d’un concept (et d’un mot) inopportun, vieillot, dépassé, avec lequel elle ne veut rien avoir à faire, ce qui contribuerait à dévaloriser un élément qui lui sera de toute façon rattaché, et donc, à s’enfoncer elle-même. Ou si elle comprendra que, ne pouvant s’en détacher, elle doit faire en sorte de transformer cette marque de ridicule, en un signe de fierté et de ralliement…Dans l’histoire, et notamment l’histoire des idées, on a vu fréquemment des qualificatifs, inventés tout exprès pour stigmatiser l’adversaire, être récupérés par celui-ci, et arborés jusqu’à la victoire.
En ce qui concerne le terme conservateur, un tel choix imposerait à une droite politiquement ambitieuse et audacieuse un double effort.
D’une part, un effort de communication, afin de « rajeunir » le mot et ce qui s’y rattache – notamment en le rapprochant des nombreuses expériences étrangères, en démontrant que l’archaïsme n’existe pas en matière politique, ou en soulignant à quel point certaines initiatives conservatrices peuvent s’avérer objectivement « modernes. » À cet égard, l’avantage du mot « conservateur » vient de ce qu’il sent tout au plus la naphtaline, et non pas le soufre : il s’agit donc, non de « dédiaboliser », mais simplement de « dépoussiérer ».
D’autre part, un tel projet supposerait également un effort intellectuel, afin de reconstruire sur cette base un discours politique cohérent, et dans le prolongement de celui-ci, d’élaborer un programme à la fois clair et séduisant. L’objectif serait ainsi qu’au terme d’un effort soutenu poursuivi sur deux à quatre ans, la droite puisse se réclamer consciemment et fièrement du conservatisme – et non plus subir ce mot comme un boulet, un piège ou un boomerang.
Dans cette stratégie de renversement du jeu, l’effort consisterait, en parallèle, à critiquer sur le fond la notion de « progressisme », dont se réclament La République En Marche et le président Macron. À ce propos, on peut partir du mot lui-même, et souligner par exemple que le conservateur, s’il ne récuse évidemment pas « les progrès » qui peuvent se réaliser dans tel ou tel domaine, ni leur caractère bénéfique et souhaitable, n’adhère pas, en revanche, à la religion ou au mythe du Progrès qui définit le progressisme. Un mythe qui, au cours de l’histoire récente, s’est avéré cruellement trompeur, et potentiellement dangereux – en ce qu’il se trouve à l’origine, non seulement des principaux systèmes totalitaires du XXe siècle, mais également, d’une confiance illimitée dans la raison individuelle, qui a engendré aussi bien les dérapages de l’ultralibéralisme, que les agressions les plus délibérés infligées à la nature et à l’environnement.
En somme, à travers le mot que Macron s’est choisi lui-même pour étendard, le travail consisterait à dévoiler, précisément et minutieusement, la marchandise que recouvre ce pavillon de complaisance. Au total, il s’agirait donc, dans cette guerre des mots, de reprendre la dichotomie imposée par Emmanuel Macron, dès lors qu’on ne peut faire autrement, mais en vue d’en inverser le sens. Et au-delà, de s’en servir comme de l’instrument le plus approprié pour réunir la droite.
II Une notion unificatrice
L’avantage paradoxal de la notion française de conservatisme telle qu’elle s’est constituée depuis la Révolution, tient à son caractère tout à la fois indéterminé, et fortement charpenté autour de quelques thèmes stables. Le premier de ces caractères permettrait d’unir les droites autour de cette notion, tandis que le second favoriserait l’élaboration d’un discours, puis d’un programme unifiés et cohérents.
A. Unir la droite
Le mot conservateur ne recouvre pas une orthodoxie rigide, mais désigne une tendance et renvoie à une nébuleuse de principes, de valeurs, de courants, de références. Par là-même, une fois opéré un premier travail de dépoussiérage, il présente une capacité à unir les droites sur la base de ce qui pourrait apparaître à la fois comme un plus petit dénominateur commun, et comme le moyen de se distinguer du camp adverse
Parmi d’autres avantages, le concept de conservatisme possède celui de n’être véritablement répulsif pour aucun des grands courants qui composent la droite : y compris, si l’on reprend la fameuse classification de René Rémond, distinguant entre les droites orléanistes, légitimistes et bonapartistes. Ces trois segments, distincts sinon opposés sur beaucoup de plans, peuvent en effet se retrouver sur les principales orientations générales du conservatisme.
En fait, le conservatisme met en avant, non pas ce qui oppose ces différentes tendances, mais bien ce qui les réunit et transcende ces oppositions : la défense et la préservation d’un certain socle commun.
Ce faisant, le conservatisme, s’il est suffisamment mis en valeur, apparaît susceptible d’attirer à lui non seulement des intellectuels, mais également un électorat qui peut aller du libéralisme modéré actuellement sensible aux sirènes macroniennes, à la droite sociale, et de la droite catholique à la droite populiste, identitaire et souverainiste.
Mettant en avant des mots, des images, des idées, plus que des personnes et des structures, le conservatisme peut avoir, dans le cadre de la droite au sens large, un effet de pompe aspirante, et, à terme, permettre de recoller les fragments épars, actuellement émiettés et inconciliables, de ce qui constitue pourtant la majorité de la population.
B. Unifier le discours
Suffisamment large pour réunir sans braquer des courants très variés, le conservatisme est par ailleurs suffisamment riche pour nourrir le renouvellement d’une doctrine de la droite, et de fournir à celle-ci des thèmes unificateurs.
Bref, pour reconstruire une colonne vertébrale, elle-même indispensable à l’élaboration d’une stratégie, puis d’une démarche programmatique. C’est-à-dire, là encore, à une reprise du pouvoir.
Conclusion
Cet embryon de réflexion vise à affirmer la nécessité d’une véritable révolution (culturelle, ou intellectuelle) conservatrice de la droite, qui, « coincée » par l’hégémonie exercée sur les centres par le macronisme, est désormais contrainte de se repenser, ou de se retrouver, si elle entend un jour reprendre le pouvoir. Et exorciser ce que le journaliste Laurent Joffrin appelle le « spectre redoutable d’une démocratie sans alternance ».
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