L’annonce, faite le 6 octobre par le Département d’État américain, de la cession tacite d’une zone d’occupation turque le long de la frontière nord de la Syrie n’est pas une surprise. Elle confirme le souhait énoncé, dès décembre 2018, par Donald Trump de ne pas embourber son armée dans une nouvelle guerre contre le terrorisme au Moyen-Orient. Le Pentagone a traîné des pieds mais il semble que le retrait des troupes américaines soit désormais effectif, au moins dans sa partie nord, face à la Turquie. Ce retrait est perçu comme une trahison américaine des forces YPG kurdes qui ont défait l’État islamique jusqu’à la victoire finale de Rakka avec l’aide de la coalition occidentale. Il suscite bien des interrogations.
Il est évident que les Kurdes vont se battre, dans un premier temps, contre l’armée turque mais l’issue ne fait aucun doute. Comme à Afrine en janvier 2018, ils seront obligés de se replier vers le sud avec leur flot de réfugiés.
Il est évident que les Kurdes vont se battre, dans un premier temps, contre l’armée turque mais l’issue ne fait aucun doute. Comme à Afrine en janvier 2018, ils seront obligés de se replier vers le sud avec leur flot de réfugiés. Certains redoutent que les Kurdes relâchent en guise de représailles leurs camps de prisonniers, dont de nombreux djihadistes européens, mais cela reste une carte de négociation dans leur jeu. Il n’est pas dit qu’ils la jouent immédiatement. Il est par ailleurs certain que les Kurdes syriens ne la donneront pas à la Turquie, laquelle en profite pour élargir son pré carré.
La logique voudrait pourtant que cette zone revienne sous le contrôle de l’armée syrienne, déjà présente au nord d’Hassaké et au sud de Qamishli, deux villes importantes du Kurdistan syrien. Elle serait tout à fait à même de faire le tampon entre les Kurdes et les Turcs. Ce fut le cas avant la guerre civile syrienne bien évidemment mais ce fut aussi observé au nord d’Alep, dans la poche d’Afrine: les kurdes syriens ont accepté le renfort de l’armée syrienne pour ne pas laisser toute la zone aux Turcs. Ce scénario pourrait se renouveler dans le reste du Rojava (Kurdistan syrien). Cela dit la situation tactique est un peu différente. Tout d’abord, les Kurdes Syriens ne sont pas isolés dans une poche comme à Afrine; ils sont au contraire au cœur de leur territoire. Inversement, l’armée syrienne est isolée depuis longtemps dans ces confins du Kurdistan syrien (même si elle dispose d’une base aérienne militaire pour tenir). Elle ne l’était pas à Afrine.
