Alors que l’Australie a annoncé se joindre aux États-Unis pour demander l’ouverture d’une enquête internationale sur la gestion par la Chine du Covid-19, l’ambassadeur de Chine en Australie a menacé celle-ci de boycott. Est-il possible de faire payer la Chine pour sa responsabilité dans la diffusion de la pandémie ?
Les États-Unis n’ont pas l’intention de rester les bras croisés devant la pandémie du coronavirus. Pays le plus touché du monde avec 56 000 morts au 27 avril, ils ont décidé de mener une enquête indépendante sur la responsabilité de la Chine dans la propagation du virus. Et ils ont dénoncé la gestion de la pandémie par l’OMS qu’ils estiment sous influence de la Chine, raison pour laquelle ils ont suspendu le 14 avril dernier leur contribution annuelle qui s’élèvait en 2019 à la somme de 400 millions d’euros, soit 15% du montant total du budget, ce qui en faisait le premier contributeur.
Or, ces deux griefs paraissent fondés. La responsabilité de la Chine est, en effet, écrasante à plusieurs niveaux : alors que la maladie est apparue dans des circonstances encore mystérieuses à Wuhan en novembre 2019, le parti communiste chinois a arrêté le médecin lanceur d’alerte Li Wenliang, qui a été forcé de se rétracter ainsi que sept autres médecins, et qui est mystérieusement mort au début du mois de février. Ensuite, le régime chinois a affirmé à l’OMS, le 13 janvier 2020, qu’il n’y avait aucune preuve que la maladie soit transmissible à l’homme, omettant de signaler le nombre réel de morts. Enfin, il a organisé le 18 janvier 2020 un banquet patriotique réunissant 40 000 convives à Wuhan pour fêter l’anniversaire du parti communiste, contribuant ainsi à la propagation du virus. Sans compter l’hypothèse – sérieuse mais pas confirmée à ce stade – que la pandémie provienne, en fait, d’un laboratoire chinois à Wuhan, travaillant précisément sur le coronavirus ou – autre l’hypothèse – sur l’élaboration d’un vaccin contre le VIH.
Concernant le second grief, il suffit de lire l’excellente étude intitulée Un défi pour le multilatéralisme : l’instrumentalisation de l’Afrique par la Chine et ses conséquences sur les décisions de l’OMS publiée par la Fondation pour la recherche stratégique sous la plume de Valérie Niquet le 14 avril dernier pour comprendre à quel point l’OMS est elle-même noyautée par la Chine. D’abord, on y apprend que c’est par son réseau d’influence en Afrique que la Chine fait pression sur les décisions de l’OMS : « La Chine joue un rôle majeur en Afrique, et notamment en Éthiopie, dont l’actuel directeur général de l’OMS a été ministre de la Santé puis ministre des Affaires étrangères. Cette influence souvent opaque, et le soutien apporté par Pékin à Tedros Adhanom Ghebreyesus, semble avoir pesé sur les prises de position de l’OMS face à la crise du Covid-19 ».
C’est par son réseau d’influence en Afrique que la Chine fait pression sur les décisions de l’OMS.
En effet, c’est grâce à la Chine que le militant communiste éthiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus fut élu à la tête de l’OMS en 2017, succédant à la chinoise Margaret Chan qui dirigea l’institution pendant les dix années précédentes. « Le directeur général Tedros est une marionnette du Parti communiste chinois », a récemment déclaré le principal élu républicain de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants, Michael McCaul. Tedros Adhanom Ghebreyesus a en effet affirmé début février qu’il n’était pas nécessaire de restreindre les déplacements internationaux et que l’urgence internationale ne s’imposait pas, félicitant au passage la Chine pour sa « transparence » alors qu’au même moment, l’empire du Milieu cachait le nombre réel de morts. « Depuis, l’OMS a suivi pas à pas toutes les déclarations chinoises, les répétant comme un perroquet, poursuit Valérie Niquet. L’OMS n’a pas joué son rôle mais c’est exactement ce que voulait Pékin », évoquant par ailleurs le refus du directeur de l’OMS de réintégrer Taïwan comme observateur au sein de l’institution, « une exigence de la direction chinoise » d’après la chercheuse.
Bien sûr, aucune institution internationale n’aurait la légitimité d’instruire une démarche indépendante de recherche en responsabilité à l’égard de la Chine. Et quand bien même elle le pourrait, comment contraindre politiquement la deuxième puissance mondiale à indemniser le reste du monde ? Reste que la Chine ayant des intérêts dans le monde entier, une coalition d’États pourrait user de mesures de rétorsion comme un gel provisoire des avoirs chinois à l’étranger qui déstabiliserait l’empire du Milieu jusqu’à ce que celui-ci reconnaisse ses failles. Donald Trump semble jouer cette carte et il a raison.