Portrait officiel de Donald Trump par Shealah Craighead en 2017.
Atlantico a interrogé Christophe Boutin au sujet des élections américaines et de la pérennité du populisme. Christophe Boutin a coordonné, avec Olivier Dard et Frédéric Rouvillois le Dictionnaire des populismes.
Atlantico.fr : Lorsqu’un dirigeant populiste est élu, puis battu dans les urnes, comme ce qui pourrait arriver à Donald Trump, le populisme qui l’a mené au pouvoir s’institutionnalise-t-il ou disparaît-il ?
Christophe Boutin : Vous posez là une question particulièrement intéressante, qui est celle de savoir ce qu’est le populisme, une question très et trop vaste, parce que largement débattue – je vous renverrais volontiers à ce Dictionnaire des populismes que j’ai co-dirigé avec mes collègues Olivier Dard et Frédéric Rouvillois. Ets-ce une idéologie ? On peut considérer le populisme comme étant une doctrine politique, et c’est ce qu’il a pu être, par exemple, dans certains pays d’Amérique latine au XXe siècle. Mais si l’on prend ce que l’on nomme de nos jours le populisme dans les démocraties occidentales, dont les USA, on peut aussi se demander s’il ne s’agit avant tout d’une réaction. J’avoue beaucoup aimer la formule de Vincent Coussedière selon laquelle « Le populisme, c’est le parti des conservateurs qui n’ont pas de partis », réaction naturelle de peuples qui se trouvent lancés malgré eux dans une direction qu’ils ne souhaitent pas et dont les demandes, les angoisses, ne sont en fait relayées par aucun bloc du pouvoir en place. Est-ce possible en démocratie ? Oui bien sur, à partir du moment du moins où elle a pu dévier vers une oligarchie de fait. Les élites alors ne sont plus des élites, liées à leur peuple, elles se sont « révoltées (Christopher Lasch), agrandissant le fossé entre anywhere et somewhere (David Goodhart) entre France périphérique et métropoles (Christophe Guilluy), entre bloc élitaire et bloc populaire (Jérôme Sainte-Marie).
On constate aujourd’hui de tels blocages dans la plupart des sociétés du monde occidental, et les réponses qui sont données prennent justement la forme de ce que l’oligarchie au pouvoir qualifie volontiers de populisme, dans un sens cette fois nettement péjoratif. Le populisme est alors présenté comme le règne de l’émotion contre la raison, de la vulgarité contre la dignité, avec cet immense mépris envers ce mouvement des « déplorables » que dénonçait Hillary Clinton lors de la victoire de Donald Trump il y a quatre ans. On frôle la pathologie. Il est aussi ce vestige d’un passé qui ne passe pas, qui ne veut pas passer, et contre quoi Emmanuel Macron ne cesse de nous mettre en garde au nom de son progressisme.
Réaction donc, l’arrivée au pouvoir du leader populiste ouvre naturellement une période nouvelle qui est nécessairement une période de bouleversements, pour, non pas nécessairement « renverser la table », mais à tout le moins permettre à certaines revendications exprimées depuis longtemps par les populations d’aboutir. Il faut pour cela casser les habitudes, casser aussi cette logique de la fuite en avant dans laquelle on ne s’interroge jamais sur le bien-fondé de la solution proposée, trouvant toujours dans une cause extérieure une explication à ses échecs.
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