« Les conservateurs, notait Roger Scruton, défendent souvent leur cause dans la langue du deuil. » S’ils le font, c’est qu’ils sont inquiets, car très conscients de la fragilité des acquis, et en particulier, de la civilisation- qu’ils jugent aussi menacée aujourd’hui qu’elle l’était dans l’Antiquité, même si les barbares modernes ont changé de visage et de discours.
Toutefois, cette inquiétude ne suscite pas, chez les conservateurs véritables, une attitude de retrait, un refus de voir les dangers auxquels sont confrontées les bases de la civilisation, ou pire encore, une attitude consistant à multiplier les concessions de tous ordres afin de retarder aussi longtemps que possible le moment fatidique de la chute. Les véritables conservateurs ne se cramponnent pas fébrilement un statu quo qu’ils savent condamné d’avance. Ils ont conscience de ce que les valeurs fondatrices de la civilisation doivent être préservées coûte que coûte. Tel est le sens de la formule « politique d’abord » : ce qu’il faut avant tout, c’est conserver le cadre institutionnel, culturel, historique, linguistique, économique, à partir duquel tout peut refleurir. Le cadre dans lequel on peut assumer le présent et construire l’avenir, puisque l’on ne peut aller quelque part que si l’on sait d’où l’on vient, et qui l’on est. Ainsi, même s’il ne s’agit pas de les répéter à tout bout de champ, il ne faut pas avoir peur des grands mots, ni d’assumer un objectif qui n’est autre que la sauvegarde de la civilisation contre la barbarie – celle du matérialisme absolu, de l’individualisme radical, d’un mondialisme effréné, d’une remise en cause globale des identités, des nihilismes modernes ou des utopies trans ou posthumanistes. En ce sens, « Politique d’abord » signifie maintenir. Conserver l’essentiel. Ce sans quoi le pire est sûr, mais ce à partir de quoi toutes les renaissances deviennent possibles.