Toujours selon cette logique, les racines, comme tout ce qui vient du passé, relèvent de l’archaïsme et doivent disparaître. À cet égard, l’abolition des anciennes réalités politiques, des vieilles patries, fusionnées au sein d’un nouvel ensemble supranational,  constitue une étape incontournable du processus.  Dans ce cadre « dépolitisé » pourra se réaliser enfin l’affirmation radicale de la primauté de l’économie ; quant à la politique, elle n’est, chez les progressistes comme chez les saint-simoniens du XIXe siècle, qu’une politique de la disparition du politique : une politique du dépérissement des singularités nationales, des identités, des souverainetés et donc des Etats, et avec eux des conflits et des guerres, que l’on prétend surmonter en les absorbant au sein d’un ensemble intégralement voué à la réalisation du bien-être individuel et au développement industriel. Précision importante : en soi, le conservateur n’est évidemment pas « opposé » à l’Europe, ni même à une certaine évolution confédérale de celle-ci : il est simplement hostile à une approche qui en ferait une fin en soi, et une raison suffisante pour éliminer les appartenances et les souverainetés anciennes, et pour imposer à la place des valeurs hors-sol et des intérêts mal identifiés.

Ce qu’il réprouve par ailleurs, dans cette construction européenne visant à construire de toutes pièces un système fédéral, c’est le fait que celui-ci ne constitue jamais qu’une étape supplémentaire- en direction, cette fois, d’une mondialisation complète, et de la naissance d’un État universel permettant d’asseoir de façon absolue la domination d’une hyper-élite de technocrates et de financiers.