S’il faut se défier des religions devenues folles, bien plus effrayants encore paraissent aujourd’hui les différents visages de l’anti-humanisme matérialiste. Réduisant l’homme à sa dimension matérielle, biologique ou mécanique, ces derniers en viennent à l’assujettir à la logique rigoureuse qui en découle. Si en effet l’homme n’est que matière–si l’âme et l’esprit ne sont que le résultat quantifiable d’excitations nerveuses ou de sécrétions hormonales plus ou moins bien régulées -, bref, si l’homme n’est qu’une machine, à peine plus compliquée que celles qu’il construit lui-même, alors, il n’y a aucune raison de ne pas en tirer toutes les conséquences. Par exemple, de s’en servir comme d’une machine, et de s’en débarrasser de la même manière lorsque l’obsolescence est atteinte, ou que les performances ne sont plus à la hauteur ; par exemple encore, de le modifier, de l’augmenter, de le perfectionner, ou encore, de prévoir différentes catégories, plus ou moins efficaces et spécialisées, afin de répondre aussi exactement que possible aux besoins de la production : c’est très exactement la situation que décrivait Huxley dans Le meilleur des mondes. Et l’on ne s’en étonnera pas : point de départ ou point d’arrivée, cette idée mortifère fut le point commun de tous les grands systèmes totalitaires du passé. Elle sera sans doute celles des grands systèmes totalitaires de l’avenir.