Dès la création du mouvement En Marche, au printemps 2016, le mot « progressisme » fut repris systématiquement par le futur président et ses compagnons de route : il est dès lors systématiquement opposé au « conservatisme », dont, faute d’être plus précis, on signale d’ordinaire qu’il est « rance » ou « moisi ». Mais ce qui pose vraiment problème, c’est le sens que l’on donne au mot « progressisme ». Au lendemain de l’élection présidentielle de 2017, certains sémiologues assurent que celui-ci se situerait sur un plan « psychosociologique » : « à la France dépressive qui ne croit plus en son talent, le progressisme parle soudain, à rebours de la victimisation », note Mariette Darigand dans la revue Etudes : mais celle-ci reconnaît aussitôt après que Macron, comme il l’a abondamment affirmé, se veut, à l’inverse de ses  prédécesseurs, «  ancré dans l’idéologique ». Or, « l’idéologie  progressiste » dont il se réclame a un sens bien déterminé, et qu’il connaît fort bien :  c’est l’idée que l’humanité, emportée  en avant par un mouvement de perfectibilité nécessaire et sans limites, tend à s’améliorer peu à peu au cours de son histoire :  bref, qu’elle  progresse graduellement vers son émancipation intégrale, vers un état où elle sera parfaitement heureuse, rationnelle, libérée des obstacles,  des limitations et des frontières héritées du passé ou résultant de la nature.  A cet égard, ce n’est pas sans raison que des historiens comme Jacques Julliard ou Jean-Noël Jeanneney  ont pu voir dans l’élection du président Macron un retour au saint-simonisme–  cette utopie progressiste inventée au début du XIXe siècle par des financiers et des polytechniciens et qui, déjà, entendait pourfendre les conservateurs au nom du triomphe de l’industrialisation et du commerce.