Le conservatisme connaît depuis quelques années une vogue croissante, notamment dans certains milieux intellectuels, au point que le terme « conservateur » semble sortir peu à peu des oubliettes de l’histoire et de la politique où, en France, il avait été confiné depuis plus d’un siècle. Pourtant, telle n’est pas la seule raison, ni même la plus pressante, pour laquelle la droite aurait intérêt à se réapproprier ce mot, et ce qui l’accompagne. La raison principale, c’est qu’elle n’a pas le choix, du moins si elle ambitionne d’être autre chose que l’éternelle opposition d’un macronisme installé durablement au centre d’une démocratie sans alternance.
Si la droite n’a pas le choix, c’est parce que le président Macron a installé par ses discours, en lieu et place du traditionnel clivage droite-gauche, une dichotomie progressiste-conservateur : lui-même s’appropriant bien évidemment le terme progressiste, supposé très valorisant (en ce qu’il renvoie aux thèmes de l’ouverture, de la justice, du mouvement, de la compassion, de la mondialisation, etc.), et désignant l’adversaire (c’est-à-dire, essentiellement, la droite), par le terme actuellement encore très péjoratif de conservateur. C’est dans cette guerre des mots imposée par Macron qu’il importe de s’engager, et de s’organiser, afin d’espérer la remporter.
Cela nécessite un effort de communication, afin de « rajeunir » le mot et ce qui s’y rattache – notamment en le rapprochant des nombreuses expériences étrangères, en démontrant que l’archaïsme n’existe pas en matière politique, ou en soulignant à quel point certaines initiatives conservatrices peuvent s’avérer objectivement « modernes. » À cet égard, l’avantage du mot « conservateur » vient de ce qu’il sent tout au plus la naphtaline, et non pas le soufre : il s’agit donc, non de « dédiaboliser », mais simplement de « dépoussiérer ».